“Comme tout bon orchestre, le travail de l’Union européenne peut être marqué par des tensions et des résolutions. Car être en harmonie ne signifie pas toujours être à l’unisson.”
Jean-Claude Juncker, ancien président de la Commission européenne, 2015
Des premiers chants d’église aux atonalités les plus modernes, l’Europe est le berceau de la musique classique. Et cela n’a jamais été limité à un seul pays. Des Autrichiens qui ont préféré écrire des opéras en italien, à ceux qui ont traversé les frontières pour se retrouver dans les capitales musicales de Paris et de Vienne, à ceux, encore, qui ont emprunté des idées musicales ou littéraires aux pays lointains : les talents qui ont composé le canon de la musique classique ne correspondent guère à la conception étroite des frontières nationales en Europe. Après tout, peu importe leur pays d’origine, ils parlaient tous déjà le langage commun de la musique. Même si vous ne connaissez rien du Larghetto ou du Leitmotiv, nous vous invitons ici à creuser un peu le patrimoine européen pour apprécier les mélodies qui ont fait et font encore aujourd’hui battre le cœur de l’Europe.
Portugal

José Vianna da Motta
L’élève pianiste de Liszt
José Vianna da Motta, ancien élève de Franz Lizst à Weimar, en Allemagne, a passé son enfance et les trente dernières années de sa vie au Portugal, où il a été directeur du Conservatoire de Lisbonne. Sa Chula, une danse folklorique pour piano, a été jouée à plusieurs reprises pendant la révolution de 1974 – devenant un symbole de la fierté nationale grandissante et de l’appel des citoyens au rétablissement de la démocratie.
Espagne

Joaquín Rodrigo
Le Valencien typique du XXe siècle
Malheureusement, le plus célèbre des opéras sur le plus célèbre des passe-temps espagnols – la tauromachie – est disqualifié, car Carmen n’est pas originaire d’un Espagnol, mais du Français Georges Bizet. Tournons-nous donc vers Joaquín Rodrigo, dont l’œuvre la plus célèbre, le Concierto de Aranjuez, date de 1939. La pièce doit son nom au Palais royal d’Aranjuez, que le compositeur, alors pauvre, a visité lors de sa lune de miel. Son mouvement lent présente une fantaisie ruminative d’abord jouée par le cor anglais, avant d’être reprise par le soliste invité – une guitare espagnole, bien sûr. L’œuvre a également été arrangée pour trompette, la plus célèbre adaptation étant jouée par le musicien de jazz Miles Davis. Espérons que les bénéfices de ce travail de renommée mondiale lui ont permis de lui faire vivre, ainsi qu’à sa pauvre femme, un voyage un peu plus glamour…
France

Claude Debussy
Le Monet de la musique
L’impressionnisme est principalement connu comme un mouvement artistique, dans lequel des artistes comme Monet et Degas déversaient leurs émotions sur une toile. Naturellement, les musiciens français voulurent aussi s’y essayer. Tandis que les peintures ont toujours cherché à représenter une image, la représentation pure en musique était, jusqu’au XXe siècle, une idée nouvelle. C’est dans ce contexte que naquit l’école de Claude Debussy, dont le travail La Mer cherche à recréer, non pas seulement les sons, mais également la sensation du soleil se levant sur l’océan, et le jeu des vagues contre les rochers. La légende veut qu’il l’ait terminé en regardant la mer, à Eastbourne, au Royaume-Uni.
Islande

Jóhann Jóhannsson
L’ami des films du 21e siècle
Surtout connu pour ses musiques de film, Jóhann Jóhannsson est décédé en 2018 à l’âge de 48 ans seulement. Sa bande originale pour le thriller Sicario a reçu une nomination aux Oscars. Sa bande originale du biopic The Theory of Everything de Stephen Hawking, une série de pièces acoustiques légèrement orchestrées et caractérisées par des idées rythmiques complexes et répétées, mettant en scène des cordes, des harpes et un céleste, a remporté un Golden Globe.
Irlande

John Field
L’inventeur nocturne
John Field a vécu au tournant du XIXe siècle – et n’est pas resté longtemps dans sa patrie d’origine, l’Irlande, avant de se rendre à Londres, Paris, Vienne et en Russie. Virtuose du piano, il est devenu célèbre pour ses Nocturnes – un morceau de piano court, mélodieux et musicalement simple. Il fut le premier à utiliser ce terme, qui devint plus tard une partie importante du répertoire de compositeurs importants, à l’instar de Chopin.
Royaume-Uni

Edward Elgar
L’orchestrateur énigmatique
L’île sceptrée était à un moment donné de son Histoire si dénuée de talent qu’elle fut même surnommée par ses amis teutoniques “Das Land ohne Musik” : le pays sans musique. Aussi cruelles qu’elles puissent paraître, il faut dire que de telles railleries étaient quand même bien méritées : depuis l’apogée de Purcell et Haendel, le Royaume-Uni connût une accalmie musicale de plusieurs siècles, au moment-même où le continent foisonnait de créativité classique. Cette oisiveté musicale se termina heureusement avec des œuvres telles que les opéras légers de Gilbert et Sullivan, les opéras de Benjamin Britten et les œuvres d’Edward Elgar. Elgar est maintenant célèbre pour Pomp and Circumstance, un chant nationaliste aux paroles “Land of Hope and Glory” que l’on entend également à la fin du plus grand festival de musique classique du monde, les London Proms. Mais il a également écrit des œuvres assez solides, pour des ensembles à cordes et un orchestre complet. Ecoutez Nimrod, de la suite orchestrale Enigma Variations, qui a notamment été remixé récemment comme bande originale du film Dunkerque. (Et, au cas où vous vous poseriez la question, non, personne ne sait ce qu’est l’Enigma).
Norvège

Edvard Grieg
Le chanteur pour Trolls
Aucun compositeur norvégien ne bat Edvard Grieg au Temple de la renommée musicale de la Norvège; et peu de ses œuvres sont aussi connues que Peer Gynt, une suite musicale fortuite, conçue pour accompagner l’œuvre scénique de son compatriote Henrik Ibsen. Dans cette pièce en cinq actes, Peer, un bon à rien, banni après avoir tenté d’enlever une femme à un mariage, erre dans Dovre, le haut plateau du centre de la Norvège. Il est courtisé par une jeune fille – mais elle s’avère être la fille du roi des trolls ! Pauvre Peer. Alors qu’il pénètre nerveusement dans la maison de son père, d’abord des bassons somptueux, puis des cordes, puis des hautbois imitent les gobelins et les goules qui dansent dans le hall.
Suède

Wilhelm Stenhammar
Le Scandinave symphonique
Pour un pays qui domine les styles musicaux les plus populaires du continent à l’Eurovision, la Suède n’a jamais été aussi inspirée dans la tradition classique. Une exception rare, quoique encore assez obscure, est Wilhelm Stenhammar, un pianiste et chef d’orchestre qui a composé des symphonies, des concertos pour piano et des quatuors à cordes au début du XXe siècle. L’intermède orchestral de sa cantate Sången (“Chant”) est l’une de ses rares œuvres encore (occasionnellement) jouées dans le répertoire de concerts.
Finlande

Jean Sibelius
Le poète sonore et nationaliste
Peu de doute sur le compositeur du Pays aux Mille Lacs : Jean Sibelius. Sibelius est surtout connu comme symphoniste et auteur de “poèmes sonores”, un style destiné à évoquer les émotions d’une autre œuvre artistique, comme un poème ou une peinture. Mais il s’est également aventuré dans des manifestations de fierté nationaliste, les cuivres en colère de Finlandia représentant la puissance militariste de son pays. Écoutez les cordes à l’ouverture de son Concerto pour violon et imaginez-vous admirant les hautes terres enneigées du pays.
Danemark

Carl Nielsen
L’harmoniste des humeurs
Rares sont ceux qui défieraient la couronne de Carl Nielsen en tant que premier compositeur danois. Sa deuxième symphonie, Les Quatre Tempéraments, comprend un premier mouvement colérique et furieux, une valse flegmatique et un mouvement lent mélancolique, avant de conclure avec un Allegro irrépressible, gai et passionné – mariant les quatre mouvements traditionnels de la symphonie classique avec les quatre “humeurs” qui, selon les anciens Grecs, définissaient tous les types de personnalité.
Pays-Bas

Louis Andriessen
L’abstrait d’Amsterdam
C’est peut-être l’éthique calviniste – mais les compositeurs classiques néerlandais sont aussi difficiles à trouver que de la bonne cuisine néerlandaise. Le compositeur contemporain Louis Andriessen est une rare exception à cette règle. Ses œuvres montrent une grande affection pour les noms abstraits – De Tijd (Le Temps), De Snelheid (La Vitesse) et De Materie (La Matière). Comme Nielsen, il s’inspire de la Grèce antique : son œuvre De Staat reprend des textes, en grec, de la République de Platon. Il cherche à examiner les idées de Platon sur le dogme et le contrôle, et sur la façon dont la musique est liée à la culture, au conditionnement social, et donc à la politique.
Belgique

César Franck
Le tardif de Liège
Un pays dont la plus grande contribution à la musique n’a pas été un écrivain, mais un inventeur – Adolphe Sax, inventeur du saxophone, né à Dinant – peut aussi revendiquer sa place parmi les compositeurs de renom. Né à Liège avant de se diriger vers les délices métropolitains de Paris, César Franck était un compositeur et organiste d’église dont les œuvres les plus célèbres datent de la fin de sa vie, vers la fin du XIXe siècle. Le dernier mouvement de sa seule Sonate pour violon, créé au Musée bruxellois de la peinture moderne, présente un charmant dialogue entre piano et soliste.
Allemagne

Johann Sebastian Bach
Les cantates canoniques
Ah, par où commencer avec les Allemands… De la nonne du 12ème siècle Hildegarde de Bingen – l’une des rares personnes au monde à réussir à combiner être une femme, compositrice et littéralement sainte – à Beethoven, compositeur de l’hymne de l’UE, aux manivelles atonales de Schoenberg.Par où commencer ? Que diriez-vous du meilleur : un homme qui ne pouvait pas décider quelle signature clé était sa préférée, et qui a donc écrit une œuvre dans chacune d’elles – deux fois. En tant que compositeur à Weimar et à Leipzig, chargé de divertir les dignitaires locaux tous les dimanches, Johann Sebastian Bach a écrit une cantate par semaine, laissant des centaines d’œuvres à thème religieux – un Oratorio de Noël, plusieurs Passions de Pâques et quelque chose d’exquis pour à peu près chaque jour entre les deux. Bach a publié ses 24 Préludes et Fugues pour clavier – deux pour chaque note de la gamme chromatique, montrant la récente innovation d’accords qui permettait aux claviers de jouer en toute harmonie – et ce, dès 1722. Tellement apprécié, qu’il en a produit un deuxième volume de 24 autres 20 ans plus tard – produisant une œuvre si canonique qu’elle est connue sous le nom de l’Ancien Testament des œuvres pour piano, les sonates de Beethoven formant le nouvel évangile. Même pour des instruments comme le violoncelle et le violon, pas traditionnellement des instruments que l’on joue seuls, il a créé des œuvres solo qui contiennent des interactions complexes de plusieurs lignes : et des beautés émouvantes comme cette Sarabande semblable à une prière.
Autriche

Wolfgang Amadeus Mozart
La surprise de l’attendu
Pas de concurrence ici : on choisira le virtuose qui a créé la musique à sa source, et dont la musique continue de provoquer la surprise de l’attendu. Ravissant la noblesse de ses performances alors qu’il était jeune et composant des symphonies (relativement) décentes à partir de l’âge de huit ans, les œuvres les plus remarquables de Wolfgang Amadeus Mozart ont été écrites dans les dernières années de sa vie courte mais bien remplie – y compris un trio d’opéras avec le librettiste Lorenzo Da Ponte, la Flûte enchantée en langue allemande, 27 concertos pour piano, de nombreuses œuvres de chambre époustouflantes et un Requiem conçu pour accompagner une cérémonie funéraire; dans ce cas-ci, la sienne, car il la laissa inachevée à sa mort à l’âge de 35 ans. Plus familier de certains comme une sonnerie de téléphone accrocheuse, son avant-dernière symphonie orchestrale affiche sa marque de fabrique : des idées musicales qui se développent assurément et inévitablement, mais jamais de façon prévisible.
Suisse

Arthur Honegger
Le compositeur plein d’en-train
Le fils musical le plus célèbre de la Suisse n’est guère suisse. Bien que né de parents suisses et ayant en partie fait ses études au Conservatoire de Zurich, Arthur Honegger est né au Havre et a fui le pays du jodel et du cor des Alpes dès qu’il a pu pour Paris, où il a fréquenté des gens comme Francis Poulenc, Darius et Milhaud dans le cadre de l’école de composition connue sous le nom de Les Six. Peu importe : les Suisses le considèrent tellement comme l’un des leurs qu’ils l’ont collé sur leur billet de 20 francs; son “formalisme strict et la clarté de son idiome musical … est un pont important entre la culture allemande et francophone”, commentent d’ailleurs les critiques musicales de la banque centrale suisse. L’une de ses œuvres les plus célèbres, Pacific 231, est une chanson d’amour non conventionnelle : une œuvre symphonique censée représenter les trains que Honegger a dit qu’il aimait “comme d’autres aiment les femmes ou les chevaux”. Des klaxons retentissants et des violons hurlants éclatent en un crescendo rythmique alors que la locomotive file à travers le paysage.
Italie

Giuseppe Verdi
Le maître d’opéra
L’italien est la langue de la musique. La domination du pays grâce à des artistes tels que Vivaldi et Scarlatti ont fait que des termes techniques tels que piano, allegro et sonate furent utilisés partout dans le monde. Ajoutez à cela plein de voyelles ouvertes à la fin des mots et un style de communication qui transforme même la plus humble des plaisanteries en un acte de passion ardente, et il n’est pas étonnant que l’italien soit devenue naturellement la langue de l’opéra, même pour des étrangers comme Mozart. La domination de l’Italie s’est poursuivie au XXe siècle; Ennio Morricone accumulant 500 partitions de films et de séries télévisées sur un demi-siècle, de Le Bon, la Brute et le Truand aux Huit Salopards de Tarantino. C’est pourtant le milieu du XIXe siècle qui vit l’apogée du pays, et les opéras de Verdi, Rossini et Donizetti sont les plus susceptibles d’apporter une larme de fierté aux yeux des Italiens. Voici donc le redoutable Dies Irae, le jour de la colère, du Requiem de Verdi.
Tchéquie

Antonín Dvořák
L’inspiration américaine
Antonín Dvořák était surtout connu pour le travail qu’il a écrit non pas dans son pays d’origine, la Tchéquie, ni même sur le continent européen. Dvořák a composé un certain nombre d’œuvres orchestrales à grande échelle, un opéra et de nombreuses morceaux pour un groupe de chambre à plus petite échelle avant de devenir célèbre avec sa Sixième symphonie. Simple et délectables, ses belles œuvres restent populaires à ce jour, aussi évocatrices et dramatiques qu’une bande originale de film contemporain – un style qui, bien sûr, n’existait pas dans les années 1890. Sa Neuvième Symphonie du Nouveau Monde, inspirée d’un séjour en Amérique où il a dirigé le Conservatoire de New York, évoque la nature sauvage du continent nouvellement colonisé, parfois bucolique, parfois féroce. Le second mouvement lent et mélancolique est l’une des mélodies les plus célèbres de la musique classique.
Slovaquie

Johann Nepomuk Hummel
Le pote de Beethoven
Même s’il est davantage associé à la ville de Vienne, Johann Nepomuk Hummel est né en 1778 à Pressburg – la ville qui, rebaptisée Bratislava, devint plus tard la capitale de la Slovaquie. Élève de Mozart, puis soutien de Beethoven, il a été plutôt éclipsé par ses contemporains, même si nombre de ses œuvres, comme son Quatuor de clarinettes, sont des exemples parfaitement charmants du style classique tardif. Son deuxième mouvement, bien que musicalement simple pour l’auditeur, est écrit avec des signatures temporelles incompatibles et changeant fréquemment pour les joueurs, ce qui conduit à son surnom – La Seccatura, “la plaie”.
Pologne

Frederic Chopin
Le trésor d’un pianiste
Bien qu’il ait vécu en France pendant la majeure partie de sa vie d’adulte, Frédéric Chopin est né et a fait ses études à Varsovie, en Pologne. Ses œuvres se concentrent presque uniquement sur le piano; bien qu’il ait composé une petite poignée de sonates à mouvements multiples, dont l’une étant la célèbre marche funéraire. La plupart de ses œuvres se concentrent sur des formes musicales plus simples et plus courtes : des Bagatelles, Nocturnes et Etudes. Parfois légères et mélodieuses, d’autres enflammées et histrioniques, en accord avec l’esprit passionné de l’ère romantique, ses œuvres sont souvent des prouesses de virtuosité pour un pianiste.
Lituanie

César Cui
La littérature française de l’est
César Cui est né à Vilnius, alors province de l’empire russe. En 1851, il part étudier à Saint-Pétersbourg, où il devient critique musical et compositeur de la même école que des écrivains (désormais mieux connus) tels que Borodin, Rimsky-Korsakov et Mussorgsky. Ses opéras, basés sur des Russes tels que Pouchkine, s’inspirent aussi d’écrivains français tels que Hugo, Maupassant et Dumas. Comme Chopin, il a également composé de nombreuses miniatures pour piano.
Lettonie

Richard Wagner
Un maître en résidence
Il existe de nombreux candidats plus récents pour être le compositeur le plus célèbre de Lettonie. Mais certainement la personne la plus célèbre qui a composé en (ce qui est maintenant) Lettonie était Richard Wagner. Délaissant les structures et les formes qui avaient caractérisé la musique classique pendant des siècles, Wagner a favorisé un style plus programmatique dans lequel des idées musicales individuelles, connues sous le nom de Leitmotivs, correspondent à des développements, des thèmes ou des personnages particuliers. Mieux connu pour son cycle d’opéras L’Anneau du Nibelung, une épopée de 14 heures mettant en vedette des gremlins, des dieux et des géants, Wagner était à la fin de sa vingtaine chef d’orchestre au théâtre de la ville de Riga. C’est d’ici qu’il commença à travailler sur son opéra Rienzi, finalisé à Dresde quelques années plus tard en 1842. Un travail plus terre-à-terre (et d’une durée plus digestible d’un peu plus de 2 heures), Rienzi est basé sur une allégorie politique écrite par un député britannique.
Estonie

Arvo Pärt
Le roi des mélodies minimalistes
Persécuté par les autorités soviétiques pour ses convictions chrétiennes, Arvo Pärt s’est enfui de Tallinn à Vienne et à Berlin dans sa jeunesse, avant de revenir dans son pays en 2010. Sans surprise pour un pays où les gens ne sont guère bavards, il a créé le style musical du minimalisme où les idées musicales se concentrent sur l’essence la plus importante. Sa courte pièce pour piano Für Alina présente le “tintinnabuli“, un langage musical semblable à une cloche qu’il a créé. C’est une sorte de méditation incroyablement simple dans laquelle seulement deux lignes de musique interagissent.
Ukraine

Sergei Prokofieff
Le symphoniste soviétique
Bien que célèbre pour son travail sous le régime soviétique russe, Sergei Prokofieff est né à Sontzovka, maintenant dans l’est de l’Ukraine, avant de se rendre au Conservatoire de Saint-Pétersbourg en 1904. Connu pour ses œuvres dramatiques telles que ses concertos pour piano et le ballet Roméo et Juliette, il a également a composé Pierre et le Loup. L’œuvre, un conte moral pour enfants, a été composée en quelques semaines à peine et initie les jeunes enfants aux instruments de l’orchestre en les associant à un personnage – un thème à cordes pour le héros boy-scout Pierre, un basson pour son grand-père, une clarinette basse pour le chat rusé, et une basse menaçante pour le loup, méchant et affamé.
Roumanie – Moldavie

Béla Bartók
L’encyclopédie du folk
Dans l’espoir de donner plus de crédibilité à des chansons qui n’étaient jusqu’ici que de simples mélodies paysannes populaires, Béla Bartók a fait une catégorisation complète de la musique folklorique locale : les mélodies qui pouvaient être chantées par des amoureux, par des geôliers, par des soldats, par des bergers ou par des fanfarons espérant simplement se détendre avec un verre ou deux de Țuică. Il a également arrangé certaines de ces chansons dans divers formats – pour clarinette, violon, piano ou orchestre à cordes – comme ce Buciumeana (Danse de Bucsum) qui combine une mélodie triste avec des harmonies résolument modernes.
Hongrie

Franz Liszt
Le virtuose des transcriptions
Le pianiste et compositeur Franz Liszt est né dans l’empire austro-hongrois d’alors, revenant à Budapest après des passages à Paris, Rome et ailleurs, se faisant connaître pour des œuvres complexes pour piano dans lesquelles les joueur doivent renverser les touches comme des draps. Ses talents prodigieux au piano l’ont amené à transcrire de nombreuses œuvres célèbres, notamment en prenant la Symphonie Fantastique de Berlioz, destinée aux quelque 60 musiciens d’un orchestre symphonique, et en l’adaptant pour qu’elle soit jouée par un seul pianiste. Dans sa transcription des œuvres de Niccolo Pagannini, il est parti d’une œuvre impossible à jouer au violon, pour la rendre impossible à jouer au piano…
Slovénie

Giuseppe Tartini
Le violoniste du diable
Giuseppe Tartini était un virtuose du violon du XVIIIe siècle qui a fait des découvertes importantes dans les domaines de l’acoustique et de l’harmonie, et a développé une nouvelle façon d’utiliser l’archer du violon. Un Stradivarius qu’il possédait autrefois a d’ailleurs été volé lors d’un vol à main armée en 2014. Sa ville natale de Piran, sur le détroit étroit qui permet à la Slovénie d’accéder à l’Adriatique, le commémore sur la place centrale de la station balnéaire, Tartinijev trg. Sa Sonate des trilles du Diable, écrite vers 1735, est une pièce diabolique même selon les normes modernes, exigeant que le pauvre soliste trille rapidement entre des notes consécutives tout en maintenant l’harmonie sur une autre corde, un défi technique qui produit un son pas tout à fait agréable.
Croatie

Franz von Suppé
Le léger accompagnateur pour Disney
Bien qu’il ait passé la majeure partie de sa vie dans la Vienne impériale et avec un nom rappelant son ascendance belge, Franz von Suppé est né à Spalato, dans la province dalmate de l’empire austro-hongrois; une ville maintenant connue sous le nom de Split. Véritable Coldplay de son époque, la production peu exigeante de Suppé se concentrait sur le style d’opérette léger mais populaire, et est aujourd’hui largement connu pour sa Cavalerie légère, une marche joyeuse mais sans conséquence de style Sousa. Ce morceau, l’ouverture d’un opéra léger dans lequel des soldats complotent un coup d’État contre un dirigeant local qui a fait exploser le budget de la défense de sa petite amie, a été utilisée comme accompagnement d’un court métrage Disney de 1942, Symphony Hour. Mickey Mouse tente d’y diriger un concert désastreux dans lequel tous les instruments sont brisés, avant de tirer avec exaspération un coup de pistolet sur le malheureux percussionniste Donald Duck.
Serbie – Bosnie-Herzégovine – Monténégro – Kosovo

Stevan Mokranjac
L’adepte de chants religieux
Né à Negotin, Stevan Mokranjac est connu de tous ceux qui détiennent la somme mirobolante de 50 dinars serbes et ont vu sa tête de barbue à lunettes y figurer dessus (cela ne vaut qu’environ 40 centimes d’euros; ne les dépensez pas tout d’un coup !) Il est principalement connu pour ses œuvres chorales – y compris de la musique folklorique traditionnelle et, en particulier, des chants d’église orthodoxes qu’il a arrangés pour des chorales.
Bulgarie

Lubomir Pipkov (Любомир Пипков)
Le compositeur des opéras polytonaux
Lubomir Pipkov, né à Lovec en 1904, aimait mélanger la musique locale traditionnelle avec des harmonies polytonales complexes. Dans son opéra Les Neuf Frères de Yana de 1929, Pipkov utilise des chansons folkloriques bulgares pour raconter l’histoire d’un menuisier jaloux qui coupe les mains de son propre frère.
Grèce

Yannis Xenakis (Γιάννης Ξενάκης)
Le matheux de la musique
Des siècles avant le christianisme, Pythagore, plus célèbre pour s’être passionné pour des triangles, mit au point la première théorie mathématique de l’harmonie, liant la longueur de deux cordes pour déterminer si elles sonnaient bien ensemble. Quelques millénaires plus tard, Yannis Xenakis eut quelques idées supplémentaires pour compléter cette théorie. Dans ses temps libres, Xenakis était architecte – on lui doit notamment le pavillon Philips à l’Exposition universelle de Bruxelles de 1958 – mais ses obsessions pour la structure, la proportion et les mathématiques ont également inspiré ses créations musicales. Metastasis, une œuvre pour 61 musiciens jouant des rôles largement indépendants, s’inspire des théories physiques d’Albert Einstein et des sons de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il s’est battu auprès de la résistance communiste.
Un grand merci à Jack Schickler pour avoir orchestré cet article !
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